DRUMMONDVILLE, 13 mai 20015 — C’est dans le cadre du premier sommet sur l’accessibilité aux soins de santé les 9 et 10 mai derniers, initiative mise en place par le Regroupement des médecins-omnipraticiens pour une médecine engagée (ROME), que plus de 280 participants ont volontairement combiné leurs idées et leur piste de solutions afin de proposer des options réalistes et réfléchies au projet de loi 20 du ministre de la Santé Gaétan Barrette. Dans le cadre de cet événement annonçant un vent de changement dans le système de santé québécois, les omnipraticiens, les médecins spécialistes, les politiciens, les infirmières, les gestionnaires du domaine de la santé ainsi que plusieurs autres professionnels, se sont tous levés afin de militer pour le bien-être des patients québécois. Un souhait commun : améliorer la qualité des soins de santé offerts à la population et pratiquer une médecine humaine, à l’unisson avec les valeurs de leur profession.
Dans son discours d’ouverture, la Dre Catherine Duong, membre du comité exécutif du ROME, clama haut et fort l’importance d’un modèle nouveau de santé misant sur une vision moderne et collaborative de ses professionnels. Elle soutient l’importance d’un contrat social, avec l’engagement de l’ensemble des professionnels du milieu de la santé, pour une approche axée sur la multidisciplinarité, la prévention et l’éducation.
« Nous ne sommes pas des nombres, des chiffres ou des statistiques, nous faisons partie de la solution. Nous ne tolérerons pas la vision imposée du projet de loi 20 », dit Dre Duong.
Le projet de loi 20 déposé en novembre 2014 par le Dr Gaétan Barrette vise à modifier la pratique des médecins-omnipraticiens et spécialistes par une bonification de leurs obligations, par exemple par l’accroissement du nombre minimal de consultations et par une augmentation des activités médicales particulières obligatoires. En cas de non-respect de ces nouveaux quotas, une révision à la baisse de leur rémunération est prévue, hypothéquant ainsi la chance des patients aux prises avec des problèmes chroniques complexes d’être pris en charge par un médecin. Si le ministre Barrette affirme que l’accès aux médecins de famille demeure une problématique indéniable et qu’aucune des solutions tentées jusqu’à présent n’a porté ses fruits, les participants du sommet sont tous d’accord que le problème d’accessibilité aux soins est bien plus complexe que ne le laisse sous-entendre le Dr Barrette.
En déversant la faute sur les médecins-omnipraticiens, monsieur Barrette apporte une solution au mauvais problème et perd de vue les vraies lacunes du système de santé : un manque d’interdisciplinarité, un manque d’éducation à la prévention, un manque d’accessibilité centralisée aux dossiers médicaux… Le projet de loi 20 vise à améliorer l’accessibilité aux soins en augmentant la productivité des médecins-omnipraticiens, non pas en favorisant l’interdisciplinarité, mais en diminuant à 10 minutes le temps consacré au patient à chaque visite! Ainsi, pour la population vulnérable nécessitant bien plus qu’une simple prescription, soit les patients présentant des problématiques de santé multiples et complexes nécessitant un suivi plus complet, quelles sont les options disponibles : l’urgence? Il ne faut pas oublier que pour les 32 % des patients qualifiés de « cas non urgents », donc ne nécessitant pas d’être traités très rapidement, le délai moyen d’attente est de 16 heures 40 minutes selon les données de 2013-2014 (pour en savoir plus).
« La simple ouverture d’un dossier suivant une visite à l’urgence coûte aux Québécois jusqu’à 1000 $, pourtant 30 % de patients s’étant présentés à l’urgence finissent par quitter l’hôpital avant même d’avoir été traité! »
Voici la réflexion et les commentaires émis lors du sommet par les différents représentants en santé ayant participé à l’événement :
- Selon Diane Lamarre, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé et d’accessibilité aux soins, le ministre Barrette fait preuve d’une vision bien trop curative et « hospitalo-centrique » de la santé au Québec. Madame Lamarre accuse le ministre Barrette de s’imposer comme l’autorité suprême à l’égard du système de santé et comme celui ayant la connaissance infuse de l’ensemble des rouages assurant son bon fonctionnement.
- Monsieur Amir Kadir, le député-médecin de Québec Solidaire, affirme quant à lui que la solution ne réside pas dans l’intimidation du corps médical, mais bien dans sa mobilisation. « Il est important d’éviter de tomber, encore une fois, dans le piège des négociations entre politiciens et membres de la fédération de médecin derrière des portes closes, mais de plutôt laisser les solutions venir du terrain », soutient monsieur Kadir.
- Monsieur François Paradis, porte-parole en matière de santé pour la Coalition Avenir Québec, dénonce de son côté l’intention du ministre Barrette à forcer les médecins à voir plus de patients chaque jour, retirant ainsi aux médecins le droit à une pratique humaine, axée sur le soin adéquat du patient. « En changeant le stéthoscope pour la calculette, on roule vers l’arrière à 100 miles/h », affirme ce dernier!
- Selon David Levine, éminent consultant en gestion de la santé, le problème du système de santé québécois réside dans le sentiment de solitude vécu par le patient. « Le patient ne veut pas nécessairement toujours parler à un médecin, mais il veut tout de même pouvoir parler à quelqu’un », explique monsieur Levine.
Quant à moi, j’étais plus qu’heureuse d’entendre l’ouverture des médecins à une prise en charge globale du patient, reconnaissant l’importance de la prévention par une concertation des divers professionnels de la santé. Une bonne partie de la solution réside selon moi dans une meilleure éducation du patient à l’influence majeure de ses habitudes de vie sur le développement et l’aggravation de son état de santé. Il faut commencer par redonner à l’individu le pouvoir de prendre en charge de façon autonome sa santé. Ceci passe avant tout par la mise en place de programmes d’éducation et de formation dans les milieux de travail afin de prioriser la prévention des maladies plutôt que leur simple traitement. Le manque d’effort en prévention est central dans la problématique d’accessibilité aux soins. Elle permet de limiter, au moyen et long terme, le nombre de patients aux prises avec des problèmes de santé chroniques et multiples, soit ceux qui risquent le plus fortement d’embourber le système santé. Pour terminer, si l’on considère que plusieurs facteurs de risque de maladies cardiométaboliques et inflammatoires peuvent être prévenus et même renversés par l’adoption de saines habitudes de vie, nous pouvons tous jouer un rôle important dans la résolution d’une part des problèmes du système de santé québécois!
Pour conclure ma visite au premier sommet de la ROME, je vous présente quelques-unes des pistes de solution les plus souvent proposées dans les ateliers auxquels j’ai participé :
- Prévoir, planifier la trajectoire de soins afin de l’orienter le patient vers la bonne ressource et ainsi limiter les visites inutiles à l’urgence.
- Favoriser l’intervention du meilleur des professionnels de la santé au bon moment pour la bonne problématique de santé.
- Accroître l’autonomie des autres professionnels de la santé, par exemple des pharmaciens et des infirmières, afin d’accroître la capacité des médecins à voir plus de patients.
- Donner à chaque médecin l’accès à une assistante médicale attitrée lui permettant d’optimiser son temps avec le patient tout en limitant les coûts en soins à long terme.
- Mettre en place des infirmières « pivots » afin de réguler le trafic à l’urgence et rediriger les patients « non urgents » vers les cliniques sans rendez-vous.
Bonne réflexion!