DRUMMONDVILLE, 11 juin 2015 — La consommation de gras laitier a typiquement associé aux yeux du consommateur à la prise de poids ainsi qu’au risque de développer des troubles d’ordre cardiovasculaires. En raison de cette mauvaise presse, la consommation de beurre a décliné de 75 % chez nos voisins américains au cours des dernières décennies. Chez nous, la consommation de beurre par habitant aurait reculé de 3,15 kg à 2,64 kg entre 2005 et 2010, fort probablement en raison de l’image négative qu’ont les consommateurs du gras laitier selon les données de Statistique Canada. Malgré la vague médiatique accusant les gras alimentaires de l’augmentation drastique de l’incidence de l’obésité aux quatre coins du globe, la consommation de produits allégés ou faible en matière grasse n’a pourtant pas empêché la montée en flèche de l’obésité au niveau mondial. Le gras laitier est-il réellement aussi néfaste pour la santé que le prétendent certains?
Premièrement, il est important de comprendre que la consommation de produits alimentaires allégés ne mène pas forcément à une perte de poids puisque la consommation de bon gras possède un effet rassasiant supérieur venant limiter l’ingestion journalière de calories. Deuxièmement, une étude observationnelle sérieuse a récemment révélé qu’il n’existait pas de lien entre la consommation de gras laitiers et le risque de souffrir d’obésité ou de troubles cardiométabolique tel que le diabète [1]. Dans 11 des 16 études analysées, les auteurs de cette étude ont rapporté une relation inverse entre la consommation de produits laitiers riches en matières grasses et l’adiposité, soit le niveau de gras corporel [1]. Dans une autre étude tout juste publiée par un groupe de recherche de l’Université Laval, la consommation de 20 % des calories journalières sous forme de lait partiellement écrémé (2 %) n’a démontré aucun effet positif ou négatif sur le risque cardiométabolique (c.-à-d. : les niveaux plasmatiques de cholestérol total, de bon et de mauvais cholestérol, de protéine C réactive, de triglycérides, ou encore la pression artérielle) chez des femmes obèses post-ménoposées [2]. Ceci est en accord avec les observations de Kratz et coll [1] suggérant qu’une consommation de produits laitiers entiers est plus performante à maintenir le poids corporel comparées aux versions faibles en gras ou allégées. Finalement, l’on sait maintenant que le lien entre l’ingestion de cholestérol et le risque de maladies cardiovasculaires n’est pas valide chez la grande majorité des individus tout comme celui entourant la consommation de gras saturés [3]. En réalité, seulement la substitution des gras saturés de l’alimentation par des acides gras polyinsaturés oméga-3 permet de réduire de façon significative le risque de maladies coronariennes. Or, sachez que la plupart des gras saturés sont remplacés dans les produits alimentaires par des acides gras polyinsaturés oméga-6 qui, contrairement aux oméga-3, sont de puissants promoteurs d’inflammation! Contrairement à ces acides gras polyinsaturés oméga-6, les gras saturés retrouvés dans la matière grasse laitière pourraient même limiter l’oxydation des lipides sanguins, phénomène menant au développement de plaques d’athéroscléroses. Ce bénéfice serait attribuable aux acides gras à courte chaîne typiquement retrouvés dans le gras laitier [1]. Par exemple, l’acide butyrique, aussi retrouvé dans l’huile de coco, aurait un effet anti-inflammatoire [4] et d’autres comme l’acide palmitoléique aurait un impact positif sur le contrôle de glycémie [5].
Au final, les données indiquant qu’il est préférable de limiter la consommation de gras laitiers sont peu convaincantes et ne permettent pas de tirer des conclusions claires. De façon générale, l’on peut conclure que les recommandations des agences de la santé suggérant fortement la réduction de l’apport en produits laitiers entiers ne s’appuient pas sur des fondements scientifiques solides.
1. Kratz, M., T. Baars, and S. Guyenet, The relationship between high-fat dairy consumption and obesity, cardiovascular, and metabolic disease. European Journal of Nutrition, 2013. 52(1): p. 1-24.
2. Drouin-Chartier, J.-P., et al., Impact of milk consumption on cardiometabolic risk in postmenopausal women with abdominal obesity. Nutrition journal, 2015. 14(1): p. 12.
3. Siri-Tarino, P., et al., Saturated Fatty Acids and Risk of Coronary Heart Disease: Modulation by Replacement Nutrients. Current Atherosclerosis Reports, 2010. 12(6): p. 384-390.
4. Sabatino, A., et al., Oral butyrate for mildly to moderately active Crohn’s disease. Alimentary pharmacology & therapeutics, 2005. 22(9): p. 789-794.
5. Dimopoulos, N., et al., Differential effects of palmitate and palmitoleate on insulin action and glucose utilization in rat L6 skeletal muscle cells. Biochemical Journal, 2006. 399: p. 473-481.